11 / 01 / 2022

Des virus à l'immunité, les secrets de notre santé - Rencontre avec le Pr Henri Joyeux

Dans son dernier livre, Face aux virus, bactéries…, le professeur Henri Joyeux nous transporte au cœur de notre système immunitaire pour en comprendre mieux le fonctionnement et la manière d’optimiser son pouvoir protecteur. En cette période de pandémie, l’ancien chirurgien cancérologue et professeur à la faculté de médecine de Montpellier nous alerte sur l’importance de bichonner son immunité.


La pandémie de la Covid-19 que nous traversons depuis le début de l’année 2020 nous a-t-elle permis de nous pencher sur le problème de notre immunité au sens général ?


Pr Henri Joyeux : Certainement. Cette pandémie nous a permis de nous rendre compte de nos fragilités. En France, sur 67 millions de Françaises et de Français, 20 millions sont en maladies chroniques, donc possèdent une immunité perturbée. Et ces personnes sont celles qui sont les plus sensibles aux virus et bactéries pathogènes. Mais nous avons aussi dans notre corps énormément de virus et bactéries sympathiques. Notre organisme a une capacité vaccinale extraordinaire et tout à la fois naturelle qu’il faudra stimuler jour après jour.


Vous dites que le corps se défend naturellement contre ce que vous appelez le « non-soi » en opposition au « notre soi ». Mais qu’en est-il de l’immunodépression ? Et qu’englobe-t-on dans ce terme entré dans notre vocabulaire quotidien depuis la pandémie de la Covid-19 ?


Lorsque l’on parle d’immunodépression, cela sous-entend que notre système immunitaire est fatigué. Le maximum de l’épuisement immunitaire, c’est le sida a un stade avancé car, comme pour le cancer, il existe différentes étapes. Notre système immunitaire est dépressif car nous pouvons avoir une réduction de nos défenses. Il est important de comprendre notre système immunitaire au même titre que nous comprenons le fonctionnement de nos mains, de notre vision, de notre goût ou de notre odorat.


Vous dites que notre immunité décroît au fur et à mesure des générations. Et parmi les causes, vous pointez les progrès de la médecine. Cela paraît paradoxal. Pourquoi en progressant la médecine réduirait notre capacité immunitaire ?


Aujourd’hui, vous ne trouvez pas dans les écoles des enfants qui n’ont pas une allergie et qui n’ont pas une alimentation adaptée. Une allergie vient informer qu’il y a une réaction négative à un produit qui n’est pas là pour vous agresser mais qui fait réagir votre système immunitaire. Il va alors fabriquer des anticorps plus forts que vos propres cellules et qui vont abîmer certains organes. En avançant en âge il y a de plus la sénescence (devenir sénior - NDRL) et si l’on ne fait pas attention, alors, à nos défenses immunitaires, elles vont vieillir avec notre âge et perdre de la mémoire cellulaire qui, à l’origine, est capable de générer les anticorps pour la défense. La découverte des antibiotiques a provoqué, après-guerre, un abus d’ordonnances. Les médecins ont été manipulés par les laboratoires pharmaceutiques. Et cet abus d’antibiotiques a abîmé le microbiote.


Notre système immunitaire est étroitement lié à nos différents microbiotes ?


Le système immunitaire est mobile. À travers le sang qui va circuler, à partir du cœur, dans l’ensemble de notre organisme pour le nourrir et apporter les globules rouges et blancs mais aussi les plaquettes. Sans leurs taux suffisants vous devenez fragile à la circulation des maladies. Les microbes et bactéries qui peuplent notre corps et en particulier le système digestif sont plus nombreux que nos milliards de cellules.


L’alimentation devient donc le facteur principal pour booster son immunité ?


Bien sûr, mais ne laissez pas tomber la respiration. Par exemple un fumeur va inhaler, par la respiration, des produits qui sont tous sans exception toxiques. Donc, dans ce cas, une bonne alimentation sera abîmée par les effets toxiques du tabac. De la même manière si vous utilisez sur votre peau des produits de mauvaise qualité, vous prenez le risque de l’altérer et de vous retrouver avec des pathologies cutanées. L’affectif et l’état dépressif sont autant de facteurs qui fragilisent. Un état dépressif peut dégrader un système immunitaire, même si votre alimentation est idéale.


Vous dites que les tissus adipeux sont riches en cellules immunocompétentes, donc importants pour favoriser notre immunité. Pour autant l’obésité est un facteur au contraire d’affaiblissement de l’immunité. Y a-t-il là une sorte de paradoxe de la Nature ?


Le foie est important, mais s’il est trop gros il va vous faire du mal. Le tissu gras est important et il en faut un minimum. Nous avons généralement une réserve en tissus gras pour au moins deux mois. Ce tissu est une protection mais il a aussi un rôle hormonal qui peut être positif et le transforme en glande endocrine, au même titre que la thyroïde ou les surrénales, lorsqu’au rapport poids et taille votre tissu gras est normal. Le surpoids c’est du gras et lorsqu’il est en excès, il est pathogène et même cancérigène, car inflammatoire. Et lorsque les tissus gras créent de l’inflammation, ils vont le faire au niveau du rein, du foie ou encore des muscles, en fonction de l’épigénétique de la personne. Cela signifie que les organes sont plus ou moins sensibles selon chacun. C’est pourquoi l’unité immunologique de protection est liée à l’alimentation et au microbiote.


Le foie va jouer un rôle très important dans notre immunité. Un foie fatigué c’est aussi un système immunitaire affaibli ?


Oui. Nous avons deux fois plus de cellules dans le foie que dans notre cerveau et il protège justement le cerveau. Un tiers des cellules du foie, que l’on appelle les hépatocytes, ont un rôle essentiel de fabrication, de stockage, d’élimination, de détoxication. Ce sont des cellules immunitaires. Si vous abîmez votre foie avec trop d’alcool et de sucre que vous allez transformer en gras, vous obtiendrez un foie gras que l’on nomme aujourd’hui le NASH (foie gras hépatique non alcoolique, ndlr).


Qu’est-ce qui va assurer la bonne santé du foie ? Est-ce uniquement par le biais de l’alimentation ?


Le foie reçoit les aliments de l’intestin. Ce qui arrive dans le foie, c’est ce que vous avez mis dans votre tube digestif. Le tube digestif va opérer une sélection des nutriments qui eux même viennent des aliments. Ces nutriments vont devenir des petites molécules de sucres, de protéines, d’acides gras, de triglycérides, etc., qui vont passer la barrière intestinale. Si par-là passent trop de calcium, d’alcool ou encore de sucre, vous allez affaiblir votre foie qui un jour n’en pourra plus et déclenchera une fatigue générale. Il est alors primordial de se poser des questions sur son alimentation. En rééquilibrant son alimentation, on voit au bout de 3 à 6 mois des taux dans le sang qui se normalisent. Il n’est pas nécessaire de donner des traitements médicamenteux lourds. L’ordonnance devient simplement un menu adapté au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner.


Les compléments alimentaires sont-ils à prendre en considération pour vous ? Je pense, par exemple, au zinc.


Le zinc est un oligoélément absolument essentiel. C’est un antiviral. Le taux de zinc dans le sang ne permet pas de savoir si sa présence est suffisante ou en carence. Mais c’est le taux du zinc dans les globules rouges qui prévaut. Je prends 10 mg de zinc quotidiennement, car je suis arrivé à un âge où je peux en manquer et chaque fois que je le peux je mange des huîtres de qualité qui m’apportent de bonnes quantités de zinc.


L’immunité n’est-elle pas aussi soumise à une forme d’hérédité ? Ne peut-on pas aussi tout simplement venir au monde avec une immunité déjà défaillante ?


Il y a des hérédités négatives qui s’associent à des pathologies génétiques et des personnes n’ayant pas suffisamment d’immunité pour les combattre. Nous donnons à ce moment-là des traitements que l’on appelle immunoglobuline pour justement stimuler cette immunité. Il y a des systèmes immunitaires si abîmés qu’on ne peut pas les remplacer. On ne peut pas faire une greffe du système immunitaire. Mais, par exemple, après une leucémie et des traitements de chimiothérapie extrêmement lourds qui ont mis le système immunitaire au plancher, nous allons faire une transplantation de moelle osseuse pour permettre au patient de reconstruire son immunité. C’est pour cela qu’il faut expliquer au plus grand nombre la manière dont tout cela fonctionne.

Propos recueillis par Florent Lamiaux.


Article issu du magazine 95° #36 (jan-fev-mars 2022) spécial IMMUNITE

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À lire : Face aux virus, bactéries… du Pr Henri Joyeux (éditions du Rocher).

À écouter :

 

95 degrés · Des Virus à l’immunité, les secrets de notre santé : Rencontre avec le Pr Henri Joyeux

Pour une meilleure immunité Interview du Pr Henri Joyeux sur https://soundcloud.com/user-637628085


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