7 / 04 / 2021

Smoothies et jus de légumes verts : que choisir ?

Vous envisagez de commencer une cure détox aux smoothies verts ou jus de légumes verts ? Lisez d’abord ceci. Ce sont des concentrés de végétaux qui regorgent de multiples bienfaits santé certes, mais comme pour toutes choses, il faut prendre garde à l’overdose. En fait de « bombes » nutritives, sources d’énergie et championnes de la détox comme ils sont souvent présentés, ces « breuvages », s’ils sont consommés en très grande quantité, peuvent s’avérer être des bombes à retardement vers… l’intoxication. De la détox à l’intox : décryptage.

Le vin, nous disait il y a fort longtemps le grand Hippocrate, « est une chose merveilleusement appropriée à l’homme si, en santé comme en maladie, on l’administre avec à propos et juste mesure suivant la constitution individuelle ». Il en est de même pour les smoothies verts, ces boissons obtenues à partir du mixage au blender de végétaux verts à feuilles, crus, et les jus de légumes verts. Leur surconsommation peut s’avérer plus nocive que bénéfique, même s’il s’agit d’aliments sains à la base. Leurs vertus sont incontournables, comme je vais vous le rappeler en quelques mots avant d’entrer dans le vif du sujet : le risque de s’en intoxiquer. Quand la dose fait le poison… 

Les smoothies et jus de légumes verts se composent de légumes verts à feuilles (blettes, épinards, roquette), ainsi que de différents végétaux de la famille des crucifères (chou kale, chou frisé, bok choy, chou cavalier, chou vert) dont les nombreux bienfaits pour la santé sont connus et reconnus.

Tous ces végétaux regorgent en effet d’antioxydants comme le bêta-carotène (pigment végétal précurseur de la vitamine A). Ils contiennent notamment de la lutéine et de la zéaxanthine, garantes d’une bonne santé oculaire.

Les légumes verts à feuilles, ainsi que la betterave, contiennent naturellement des nitrates qui ont un effet bénéfique sur la paroi des vaisseaux sanguins et sur la santé cardiovasculaire. Ils permettraient également d’améliorer le fonctionnement des mitochondries, nos petites fournisseuses d’énergie cellulaire, et ils ont aussi une action bénéfique sur nos muscles, comme l’a montré récemment une étude. Selon les auteurs1, manger une seule portion de légumes verts à feuilles par jour permettrait d’améliorer la force et la fonction musculaires, et ce, indépendamment de l’activité physique. Si vous avez un bon apport en nitrates alimentaires et que vous pratiquez en outre une activité physique régulière, vous gagnez sur tous les tableaux.

Tous ces végétaux verts peuvent aider à lutter contre le cancer, les maladies cardiaques, le diabète et l’obésité. Ils boostent aussi l’immunité en diminuant les réponses inflammatoires, ils réduisent la détérioration cellulaire et ils aident également à la santé digestive. Tout cela est une réalité. Ces aliments sont sains et ils le restent, tant qu’ils sont consommés dans une juste mesure, ni trop ni pas assez. Ne pas en consommer assez, mène à des carences, en consommer trop - ce que font beaucoup de personnes sans même le savoir à travers ces smoothies et jus verts - mène à l’overdose et à l’intoxication, pouvant aller jusqu’à l’insuffisance rénale, voire la perte totale de la fonction rénale. Comment cela est-il possible ? Ce type d’alimentation en surabondance soulève plusieurs problématiques comme nous allons le voir point par point.

Ces boissons sont obtenues à partir du mixage de végétaux crus.

J’y reviens encore une fois, oui. J’insiste sur ce point particulier parce qu’il est très important que vous compreniez ce qui est en jeu. Le cru est très acidifiant, il génère de la fermentation au niveau de l’intestin grêle, ce qui a pour conséquence, entre autres effets délétères, de favoriser la prolifération des Candida, dont Candida albicans, et la cascade de dommages qui s’ensuit dans l’organisme, y compris au niveau du cerveau. Nous l’avons vu avec le Dr Philippe David (Lien vers l’interview).

Si vous aimez vraiment les crudités et les salades, il vous faut les limiter au seul repas du midi, et ne pas consommer que cela. Il en va de même pour vos smoothies et jus de légumes verts qui ont, en outre, la particularité d’être liquides. Ce qui nous mène au deuxième point.

Le problème de l’alimentation liquide, c’est qu’elle loupe cette étape essentielle qu’est la mastication. C’est le moment le plus important de la digestion, donc de la bonne santé générale. (Lien vers Bien mastiquer pour mieux digérer)

N’oubliez pas que la mastication est également est un des facteurs qui va déclencher la satiété, c’est-à-dire le sentiment que vous êtes rassasié et qu’il est temps d’arrêter de manger. L’alimentation liquide ne nourrit pas le cerveau. Même en grandes quantités, pour lui, cela ne compte pas. Alors que quand vous mastiquez, vous informez aussi votre cerveau qui, nourri et comblé, pourra faire son travail. Rappelez-vous, soit dit en passant, que nos ancêtres du paléolithique mangeaient leurs fruits et légumes entiers, jamais en jus. Leur seule nourriture liquide, c’était l’eau.

Avec l’alimentation liquide, vous finissez ainsi par ingérer plus de végétaux que vous ne l’auriez fait en les mâchant, en tant que nourriture solide. Le pas est franchi vers le risque de surconsommation, sans même vous en rendre compte. C’est le problème d’ailleurs de tous les smoothies et autres jus qui contiennent trop de fruits, trop de sucre, trop de légumes verts, trop de glucides, etc. Trop de tout en seulement quelques gorgées

Ces deux points que nous venons de voir posent déjà problème en soi. Mais ce n’est pas tout : les composants de nos bons légumes verts à feuilles ne sont pas tous bénéfiques. Certains sont toxiques et leur accumulation par surconsommation peut engendrer des problèmes graves.

Les épinards et les autres légumes verts à feuilles comme les blettes, le pissenlit, le chou kale, le chou cavalier, les betteraves, la roquette et le brocoli contiennent tous des substances très problématiques : les oxalates. Ces oxalates sont retrouvés à des niveaux élevés dans les smoothies et jus verts.

Dans des conditions normales, c’est-à-dire quand ils sont présents en quantité raisonnable et dans un organisme en santé2, les oxalates finissent dans la cuvette des toilettes. Quand ils sont en trop grand nombre, l’organisme n’arrive pas à les éliminer et ils s’accumulent. En se liant au calcium et au fer, ils empêchent leur absorption par le corps.

Qui plus est, quand les oxalates se lient au calcium, ils forment ce que l’on appelle l’oxalate de calcium qui peut provoquer des calculs rénaux. Ces petits cristaux solides se forment dans le tractus urinaire et provoquent de très fortes douleurs souvent accompagnées de nausées et de vomissements lorsqu’ils se déplacent dans les voies urinaires. L’oxalate de calcium est responsable de près de 80% des calculs rénaux.

En s’accumulant dans le corps, les oxalates peuvent créer des dommages, parfois graves, au niveau des reins, pouvant mener à l’insuffisance rénale, c’est-à-dire une perte quasi-totale de la fonction rénale, voire sa perte totale. Une publication scientifique relate le cas d’une femme de 65 ans qui en a fait la douloureuse expérience, en terminant aux urgences pour une néphrite aiguë3 déclenchée par la prise d’un smoothie vert à base de légumes verts à feuilles et de fruits riches en oxalates (Green smoothie « cleanse » en anglais). Elle avait un fonctionnement rénal normal avant cela, soulignent les auteurs, et elle a développé une insuffisance rénale aiguë qui a progressé vers une maladie rénale au stade final. Ils ont identifié chez cette femme deux facteurs prédisposants : un pontage gastrique assez ancien et une antibiothérapie prolongée récente. Les antibiotiques détruisent les bactéries indispensables à la dégradation des oxalates dans les intestins.

Une maladie rénale chronique fait également partie des facteurs de risque de déclencher une telle catastrophe après avoir consommé un jus détox riche en oxalates.

Les aliments contenant des oxalates peuvent également aggraver certaines maladies inflammatoires comme la goutte, l’arthrite, ou encore la vulvodynie4.

Outre cela, on considère que les oxalates jouent un rôle dans d’autres pathologies comme la maladie thyroïdienne, la mucoviscidose, la sarcoïdose, l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou encore l’autisme.

Un tableau sombre auquel s’ajoute le fait que l’excès d’oxalates peut également mener au stress oxydatif et à un épuisement des réserves de glutathion. Le glutathion est l’un des plus puissants antioxydants de l’organisme et c’est également un détoxifiant. Il a en effet pour fonction de neutraliser les agents toxiques et les polluants environnementaux en se liant aux toxines afin de les transformer en composés hydrosolubles qui seront plus facilement éliminés par les urines ou dans la bile5.

Quand est-on en surdose d’oxalates ?

On considère une consommation raisonnable d’oxalates à 100 mg par jour.

Selon l’hôpital canadien St Joseph’s Healthcare (Hamilton), la limite élevée est définie à 250 mg par jour. Or, par exemple, une portion de 250 g d’épinards crus contient déjà 656 mg d’oxalates. Les smoothies et jus verts contiennent parfois plusieurs portions d’épinards (couplées ou non à d’autres végétaux verts riches en oxalates), ce qui représente une quantité massive, et ce chaque jour. Vous comprenez ainsi à quel point il est facile de consommer trop d’oxalates en un seul verre de smoothie ou de jus, particulièrement si vous faites une cure détox et que vous en prenez deux ou trois par jour.

Éviter la surdose d’oxalates tient dans la mesure simplissime de limiter considérablement la consommation de telles boissons.

Il est aussi possible de freiner ou réduire la formation d’oxalate de calcium en privilégiant certains aliments. Ceux qui contiennent du calcium : ils emprisonnent les oxalates présents dans l’estomac et permettent de diminuer leur absorption, du potassium, de la vitamine B6 et de l’acide citrique. Les jus de citron, d’orange et de tomates sont riches en acide citrique et permettent de rendre le pH de l’urine plus alcalin et ainsi de réduire la formation de calculs rénaux, contrairement au jus de pamplemousse qui, lui, l’augmente. Le café, le thé, la bière et le vin diminuent la formation de calculs rénaux selon certaines études. N’abusez pas du café et du thé car ils sont acidifiants, et ne prenez jamais de jus de fruits le matin : ils font monter en flèche l’insuline, ce qui est inflammatoire, comme nous l’a bien expliqué le Dr Philippe David.

Pour plus d’efficacité, ces mesures alimentaires devront être combinées à une bonne hydratation et une activité physique régulière. Le sédentarisme peut aussi en effet, à long terme, entraîner une perte de masse osseuse et la libération de calcium dans le sang, représentant un grand risque de développer des calculs rénaux6.

Outre les oxalates, les végétaux verts à feuilles peuvent contenir un autre composant problématique : le thallium, un métal toxique présent dans les sols. Les végétaux peuvent le capter depuis le sol où ils ont poussé. Le thallium a tendance à se concentrer dans les crucifères, même si le sol n’en contient pas beaucoup. C’est un poison pour l’homme, sa toxicité tenant au fait qu’il se substitue au potassium et interrompt ainsi les communications du système nerveux et les échanges cellulaires7. Consommer en abondance ces végétaux risque donc de surcharger l’organisme de ce métal toxique, une overdose qui peut provoquer différents symptômes tels que des taches sur la peau, une perte de cheveux, des arythmies, des nausées, des diarrhées, une neuropathie périphérique, une sensation d’esprit embué ou encore des problèmes digestifs.

Enfin, les végétaux crucifères contiennent des glucosinolates qui, à forte dose, sont toxiques et anti-nutritifs. Les choux les synthétisent pour se protéger des herbivores. En dessous des seuils de toxicité, c’est-à-dire à dose « normale », raisonnable, leurs produits de dégradation ont des propriétés antifongiques, antibactériennes, antioxydantes, antimutagéniques et anticarcinogéniques. Elles sont toutes bénéfiques, en somme. Ce qui n’est plus du tout le cas lorsque les glucosinolates sont présents en excès, donc par surconsommation : ils deviennent toxiques. Ils inhibent en effet l’absorption de l’iode par la glande thyroïde, ce qui interfère dans le bon fonctionnement thyroïdien, et peut conduire à l’hypothyroïdie

Pour conclure

Après l’introduction dans notre sujet avec Hippocrate, le philosophe Pythagore nous donne les mots de la fin : rien n’est préférable à la juste mesure qu’il faut observer en toutes choses. La juste mesure, c’est ici un petit smoothie ou un jus de légumes vert de temps en temps pour le plaisir du goût si vous aimez cela et pour profiter pleinement de leurs vertus santé. Et dans la mesure du possible, portez plutôt votre choix sur le smoothie qui conserve les fibres de vos légumes crus et cuits (à la vapeur douce). Comme vous le savez, seules les fibres contribuent à la bonne santé de votre microbiote grâce à leur apport en acides gras à courtes chaînes comme le butyrate, le pyruvate, le propionate, etc. Notre microbiote est le principal auxiliaire de nutrition. Si les jus sont intéressants pour leur apport en chlorophylle, en vitamines et en minéraux, ils sont dépourvus de fibres.

Si vous souhaitez vraiment vous détoxifier - ce que nombre d’entre nous devraient faire tant notre microbiote est mis à mal par l’alimentation moderne et une mauvaise hygiène de vie – je vous invite à découvrir le programme Powerbiotique8 et sa phase 1 dite détox anti-inflammatoire. Durant cette phase, on élimine certains aliments avant de les réintroduire peu à peu. Nous mettons notre corps au repos, maîtrisons les pics de glycémie, réduisons la charge inflammatoire puis virale, tout en réduisant le stress psychologique et en boostant son activité physique.

Powerbiotique est un programme complet qui n’est ni un régime « sans », ni « avec », ni « détox », ni « hyper-protéiné » ou autres, mais fait intervenir une alimentation personnalisée, intégrative, prenant en compte les spécificités de notre microbiote, un écosystème bactérien unique qui nous est propre, son éventuel appauvrissement, le fonctionnement spécifique de notre métabolisme et nos facteurs environnementaux. Pour le retour à la pleine santé et un bien-être général.

Alors ? On s'y met ?

Marion Kaplan 

avec la collaboration de Myriam Marino

Powerbiotique aux éditions Tredaniel Marion Kaplan et Alma Rota
Mes recettes Powerbiotiques aux éditions Trédaniel Marion Kaplan et Alma Rota

Note :

1 - Marc Simet al. Dietary Nitrate Intake Is Positively Associated with Muscle Function in Men and Women Independent of Physical Activity Levels, The Journal of Nutrition, 24 mars 2021

2 – Les oxalates peuvent en revanche ne pas être évacués aussi efficacement si on souffre de la maladie de Crohn, du syndrome de l’intestin irritable (IBD), de perméabilité intestinale, d’une mauvaise digestion des graisses, de maladie cœliaque, d’inflammation, de diarrhée aiguë ou persistante), et autres troubles digestifs

3 - Swetha Makkapati, Vivette D. D’Agati, Leach Balsam. « Green Smoothie Cleanse » Causing Acute Oxalate Nephropathy, AJKD, 2 décembre 2017, Teaching case, Volume 71, Issue 2, p. 281-286, February 01, 2018

La biologie rénale de cette femme a révélé la présence de cristaux de calcium en abondance dans l’épithélium et les tubules des reins, ce que l’on appelle la néphrite tubulo-interstitielle, c’est-à-dire une inflammation des tubules des reins et des tissus qui les entourent (tissus interstitiels)

4 – Lorsque la vulve devient douloureuse sans que l’examen médical n’en trouve la cause, les médecins parlent de vulvodynie, qui peut durer des mois, voire des années. Ses causes sont inconnues et elle peut survenir brutalement

5 – Henry Jay Formn et al. Glutathione : Overview of its protective roles, measurement, and biosynthetisis, Biomolecular Aspects of Medicine, Volume 30, Issues1-2, February-April 2009)

6 – Régimes pour calculs rénaux, Passeport santé

7 – Le thallium, Futura Science

8 – Powerbiotique : Les super-pouvoirs de votre intestin !, Marion Kaplan et Alma Rota, Guy Trédaniel éditeur


Partager

Sur le même thème