27 / 10 / 2021

Etes-vous carencé en iode ?

Je vais vous parler aujourd’hui de l’iode, ce micronutriment essentiel au bon fonctionnement de notre organisme. Sa rareté dans les sols, et sa fragilité à la conservation et à la cuisson entraînent une faible concentration dans les produits alimentaires et donc des apports insuffisants. Ajoutez à ceci une frilosité des recommandations officielles concernant le statut en iode, fait qu’une très large majorité d’entre nous sommes carencés ou tout du moins avons une déficience. Cette rareté d’une part, et la volonté, d’autre part, de freiner au maximum les ajouts en iode dans les aliments (par peur panique de créer une surcharge !), font que la supplémentation s’avère incontournable pour avoir un bon taux d’iode, essentiel au bon fonctionnement thyroïdien certes, mais aussi d’autres tissus et organes, tels que le sein, les ovaires, la prostate, les intestins, etc. Nous allons voir ensemble ce qui fait que nous sommes tant carencés et les moyens d’y remédier. Par-delà « l’iodophobie médicale »…

Aussi précieux que rare

Une petite présentation de l’iode est incontournable et sa position dans le tableau périodique est le premier point important à relever. L’iode fait partie des atomes de la 17e colonne avec trois autres atomes clés très importants comme le fluor, le chlore et le brome.

Il est un membre de la famille des halogènes, ce qui lui confère des propriétés chimiques singulières, un peu particulières. Il est capable de sublimer à l’air et à la température ambiante. En clair, imaginez que vous mettez des cristaux d’iode à température ambiante dans votre cuisine et que vous revenez quelques jours plus tard : il n’y a plus rien ! Tout est parti, sublimé, de phase solide à phase gazeuse, sans passer par la phase liquide. C’est ce que l’on appelle la sublimation spontanée.

Troisième point enfin, l’iode est un élément relativement rare dans le milieu naturel, arrivant 47e dans l’écorce terrestre. Il n’y a quasiment plus d’iode sur la croûte terrestre en raison du lessivage des sols par les pluies régulières depuis des millions d’années. La plupart de l’iode est partie aujourd’hui dans les océans ou bien dans des gisements souterrains que l’on trouve essentiellement au Japon et aux Etats-Unis.

Seuls deux types de sources naturelles d’iode sont exploitées comme le caliche au Chili et les saumures riches en iode des champs pétrolifères et gaziers essentiellement au Japon et aux Etats-Unis. Ce pour extraire de l’iode utilisable en chimie, dans l’industrie et en médecine.

Cette concentration a minima dans les sols fait que les apports alimentaires ne seront jamais en mesure de combler nos (importants !) besoins physiologiques en iode.

La carence en iode menace ainsi, certes préférentiellement les populations des régions montagneuses, mais aussi de toutes les régions du monde. L’Europe n’est pas épargnée, et la France non plus d’ailleurs, comme nous le verrons après. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, voire un problème humanitaire pour reprendre les termes du Dr Vincent Reliquet. Médecin généraliste dans le Nord, il a travaillé deux ans sur le sujet dont il livre une synthèse très claire et limpide dans une conférence donnée le 18 septembre dernier, dans le cadre d’un congrès organisé par l’AIMSIB1, intitulée « Qui a volé l’iode ? ». Un problème humanitaire aux vues des conséquences néfastes, tant au point de vue physique qu’intellectuel et psychique, d’une carence en iode ce, dans un contexte de quasi indifférence médicale.

Les troubles dus à une carence en iode

Le goitre est la manifestation le plus visible de la carence en iode. Je précise à cette occasion que les goitres ne sont pas systématiquement rencontrés chez les personnes ayant une très grande carence en iode. Des populations entières peuvent souffrir de troubles neuro-psychiques, neurologiques et staturo-pondéraux sans thyromégalie.

L’importance de l’iode dans la prévention du goitre est connue depuis plus d’un siècle. Malgré cela, ce n’est qu’au cours des cinquante dernières années qu’ont été décrits les nombreux effets nocifs de la carence en iode, regroupés en 1983 sous l’expression: «troubles dus à la carence en iode », et comprenant un certain nombre d’anomalies du métabolisme et du développement.

Le crétinisme, qui est caractérisé par une atteinte cérébrale grave au tout début de la vie, en est la manifestation la plus extrême, mais il existe des degrés beaucoup plus subtils de déficience mentale chez des enfants apparemment normaux, des troubles neurologiques et mentaux plus atténués, responsables de mauvais résultats scolaires et d’une diminution des capacités intellectuelles, entre autres conséquences néfastes.


L’iodation du sel pour lutter contre la carence en iode

Après avoir reconnu en 1990 la carence en iode comme étant dans le monde la principale cause unique d’arriération mentale susceptible d’être prévenue, l’OMS a mis en place différentes stratégies, la principale étant l’iodation universelle du sel.

Enrichir le sel en iode, c’est ce qu’avait déjà réalisé bien des années avant, au début du XIXe siècle, le chimiste Jean-Baptiste Boussingault, en proposant pour la première fois une distribution de sel iodé aux habitants des montagnes pour prévenir le goitre. Puis c’est parti aux oubliettes… Avant d’être réintroduit un siècle plus tard par le médecin et scientifique suisse Otto Bayard, considéré comme le père de la prophylaxie par l’iode, ayant testé et dosé l’ajout d’iode au sel de cuisine afin de prévenir les carences en iode et le crétinisme.

L’iodation du sel est une bonne idée, mais encore faut-il mettre suffisamment d’iode : la France est très frileuse sur le sujet, contrairement aux Pays-Bas, par exemple. Elle craint le surdosage et les pathologies qui en découleraient, nous le verrons après.

Et il ne faut pas oublier que l’iode sublime, c’est-à-dire que dès que vous ouvrez votre salière, l’iode s’échappe. Vous allez perdre 10% de la dose d’iode par sublimation tous les mois. Si vous avez une salière de 500 g, vous n’en viendrez pas à bout (à moins d’être 25 à table tous les jours !) avant plusieurs mois, ce qui fait qu’à la fin, vous n’aurez plus un seul microgramme d’iode résiduel.

L’iode dans les aliments

Si le sel iodé se révèle un apport insuffisant en iode, en trouve-t-on suffisamment dans la nourriture ? Les mollusques et crustacés constituent une bonne source, mais seulement avant cuisson à cause de la sublimation, vous l’aurez compris.


Le lait, le fromage, les produits laitiers, la viande

Dans les pays industrialisés, les produits laitiers constituent la source principale d’apport en iode d’origine alimentaire : en particulier, ils sont le premier vecteur d’iode chez le jeune enfant pour qui leur contribution dépasse 50% des apports totaux. Comment cela est-il possible à l’heure où les sols sont terriblement pauvres en iode ? La réponse est simple : on donne de l’iode aux animaux d’élevage.

Ainsi, l’iode est contenu dans les produits d’asepsie des pis des vaches avant la traite et passe donc dans le lait. Il figure aussi dans la supplémentation alimentaire reçue par les bovins : 10 à 40 mg/kg de fourrage, selon la directive 96/7/CEE. Les colorants alimentaires (Erythrosine E127), pour un bon petit lait-fraise chimique !, en contiennent aussi, sans oublier les différents agents de texture (alginates E401 à 405, Agar-Agar E406, carraghénane E407, etc.).

Hors intervention humaine, on peut trouver un peu d’iode naturelle dans le lait de vaches broutant les terres des bords de mer, pas en Savoie donc ! Et si peu.

Les œufs aussi

Les œufs (principalement le jaune d’œuf) et leurs produits dérivés sont des denrées alimentaires riches en iode du fait de l’utilisation d’aliments minéraux et vitaminiques en élevage aviaire. En batterie, en cage, au sol…

Une vraie poule bio, élevée sans intervention humaine, ne vous apportera jamais d’iode.

Les algues évidemment

Les seuls produits contenant naturellement parfois beaucoup d’iode, ce sont les algues qui constituent l’alimentation ancestrale du Japon : kelp et kombu en premier lieu, puis le kelp royal, suivis ensuite, en moindre mesure, du goémon noir, du haricot de mer et de la laitue de mer (ulve). Mangeons nous des algues ? Pas en Europe non, parce que si les algues concentrent beaucoup l’iode, elles concentrent aussi énormément les métaux lourds. Les industriels qui fabriquent leurs algues sèches peuvent ne pas avoir toujours très bien chélaté les métaux lourds avant leur mise en vente.

Alors oui, on peut trouver de l’iode dans les aliments, mais si peu et… quelque peu chimique !

La carence en iode en France

Revenons à nos moutons… français. Qu’en est-il de la déficience en iode en France ? Nous venons de le voir, les besoins en iode sont couverts chez le jeune enfant et le jeune adolescent, et largement assurés chez le tout jeune enfant (avant 3 ans). Chez l’adulte de moins de 60 ans, le risque de déficience légère à modérée en iode, les femmes étant plus exposées que les hommes. Il n’existe aucun chiffre concernant les plus de 60 ans. Chez les femmes enceintes, on les a en revanche, et c’est la catastrophe : en fin de grossesse, les apports en iode correspondent à moins de 50% des apports nutritionnels conseillés de la femme enceinte. L’augmentation des besoins en iode durant la grossesse (200 g/24h) est liée à une augmentation de la clearance rénale de l’iodure et à la constitution d’un pool iodé intra-thyroïdien chez le fœtus, nécessaire au-delà de 18-20 semaines de grossesse, à la synthèse des hormones thyroïdiennes par la thyroïde fœtale.

En un mot : non seulement elles font souffrir leur thyroïde, elles vont faire souffrir tous leurs tissus qui nécessitent de l’iode, et surtout elles vont faire souffrir le fœtus.


De « l’iodophilie » à « l’iodophobie »

La seule solution pour éviter de telles déficiences et autres carences en iode dans nombre de populations, dont française, en comparaison, qui plus est, des apports quotidiens recommandés on ne peut frileux, c’est la supplémentation. Les besoins en iode sont en effet évalués, selon l’Anses, à 80 microgrammes/j chez les enfants de 1 à 3 ans, 90 microgrammes/j chez les enfants de 4 à 6 ans, puis 120 microgrammes/j jusqu’à 9 ans, et enfin 120 microgrammes/j à partir de 12 ans et pendant le reste de la vie. Chez la femme enceinte ou qui allaite, il est recommandé un minimum de 200 microgrammes/j…

Le terme « supplémentation » est un mot susceptible de faire hérisser les cheveux sur la tête de la communauté médicale tant elle a peur du trop. Cette peur fait suite à la publication d’une étude en 1948 mettant en évidence des dysthyroïdies liées à une surcharge en iode. C’est l’effet Wolff Chaikoff, du nom de ses « découvreurs ». Ceci a eu pour effet de diaboliser l’iode. On a toujours peur d’en donner trop, ce qui se traduit par le fait de ne pas en donner assez.

Alors, certes on utilisait l’iode il y a fort longtemps, dans les premières années de sa découverte, un peu pour n’importe quoi : paralysies, chorée, scrofules, fistules lacrymales, surdité, distorsions de la colonne vertébrale, maladie de la hanche, syphilis, inflammations aiguës, goutte, gangrène, hydropisie, anthrax, panaris, lupus, catarrhe, asthme, ulcère et bronchite, etc2.

Sans aller jusqu’à embrasser une telle diversité de pathologies, avant cet événement « iodophobogène », on utilisait l’iode (et on en utilise toujours) à des doses importantes sans problème : avant 1960 aux Etats-Unis, par exemple, où les pains étaient améliorés au iodate de potassium. Aujourd’hui, on délivre toujours, en cas d’accident nucléaire civil des comprimés dosés à 65 voire 130 mg d’iode, soit 65 000 et 13000 microgrammes d’iode. Les Japonais traditionnels consomment de 1 à 30 mg d’iode par jour (à raison d’algues trois fois par jour. Par exemple, le kelp et le kombu contiennent de 2789 à 7454 microgrammes d’iode, c’est-à-dire 7 mg), soit 160 fois la consommation des Américains. Et ils vont très bien.

Pour le Dr Abraham : «L’iodophobie médicale (donc cet effet Wollf-Chaikoff) a entraîné le remplacement de l’iode par l’hormone thyroïdienne thyroxine dans le goitre simple et l’hypothyroïdie induits par une carence en iode. La thyroxine est le médicament le plus prescrit aux Etats-Unis depuis plusieurs années. Ainsi, les fabricants de thyroxine ont énormément profité de cette tromperie et a également entraîné la destruction de la glande thyroïde au moyen d’iodure radioactif chez les patients atteints d’hyperthyroïdie causée par une carence en iode, bien que cette affection ait été précisément traitée avec succès avec la solution de Lugol ».

Nous reviendrons après sur le Lugol.

L’iode a des ennemis chimiques aussi

Outre l’effet Wolff Chaikoff et la répulsion à l’utiliser, l’iode a aussi des ennemis chimiques.

Tout d’abord, le brome. Classé cancérigène de catégorie 2 depuis 2005 en Europe, il est responsable de cancers du rein, et aussi de la thyroïde. Des biopsies ont en effet révélé des concentrations de brome parfois 50 fois supérieures à la normale. Aux États-Unis, l’iodure de potassium a été remplacé par du bromure de potassium dans les préparations boulangères. C’est catastrophique. À Long Island, on ne compte plus les cancers du rein et de la thyroïde.

Et le brome est partout : cosmétiques, teintures, nettoyants WC, papier hygiénique, dentifrices, crèmes, shampoings, déodorants, dans vos rideaux et l’ensemble de votre voiture puisque c’est un retardateur de flammes. Il est présent dans nombre de médicaments : atrovent, biocidan, bronchodual ou encore le prorhinel, que l’on met dans le nez des enfants ! Là encore, la liste est longue.

Si vous avez un problème thyroïdien et que vous prenez un tel médicament, vous imaginez le cocktail ? Parce que votre médecin ne le sait pas !

En France, selon les régions, l'eau du robinet contient beaucoup trop de chlore autre ennemi de l'iode. Si vous nagez fréquemment dans une piscine chlorée vous risquez de réduire à néant votre taux d'iode.

Quant au fluor, on sait qu’il est toxique. D’ailleurs, pour en revenir au sel alimentaire, ne prenez jamais de sel iodé et fluoré pour cette raison et aussi le fait que le fluor augmente la fuite d’iode.

Le fluor, contenu dans l’eau du robinet en quantités astronomiques aux Etats-Unis, fait partie des causes susceptibles de créer de l’autisme là-bas. En France, les concentrations actuelles « ne créent pas de risque inacceptable » nous dit-on. Donc, cela crée bien un risque, on est bien d’accord.

Le fluor est également présent dans des médicaments : antibiotiques, contre les ulcères et douleurs d’estomac, statines…

Les tensioactifs, les plastifiants (dont les phtalates et le bisphénol-A), les nitrates et autres perchlorates sont également des ennemis de l’iode.

Et attention aux aliments goitrogènes : brocoli, chou-fleur, chou frisé, chou de Bruxelles ; feuilles de moutarde, radis, épinards, fraises, pêches, aliments à base de soja, cacahuètes, rutabaga, manioc, patate douce… Ces deux derniers aliments sont responsables, en Afrique, de problèmes de thyroïde gravissimes.

Une fois n’est pas coutume, tout est dans la juste mesure. Consommer des crucifères en trop grande quantité n’est pas bon pour le fonctionnement de la thyroïde.

Enfin, la cuisson figure aussi parmi les ennemis de l’iode. On peut désioder complètement son alimentation en cuisant ses aliments simplement.

La solution est dans la supplémentation

Comme le souligne avec humour le Dr Reliquet, sauf à devenir Japonais, nous n’aurons jamais assez d’iode pour traiter correctement tous les tissus qui en ont besoin : la thyroïde bien sûr, mais aussi les organes génitaux, la prostate, les nodules thyroïdiens, les problèmes mammaires. Entre autres.


Voici une liste exhaustive des symptômes pouvant présager d'une carence en iode :

hypothyroïdie, baisse de l'immunité, nodules thyroïdiens, fibrokystes au niveau des seins, kyste ovarien, cicatrices chéloïdes, kyste sébacé, maladie de Dupuytren, maladie de Lapeyronie, crétinisme chez les enfants nés de maman fortement déficitaire, sensibilité digestive, risque augmenté de cancer du sein ou de la prostate, etc

Nous avons tous intérêt à vérifier notre statut en iode qui a de très fortes chances de ne pas être suffisant, aux vues des différents constats que nous venons de faire : sols pauvres en iode et recommandations frileuses. Pour des médecins comme Vincent Reliquet ou Stéphane Résimont (Lien vers l’ITW de Stéphane Résimont), une bonne concentration d’iode urinaire est de 200 g/l au moins, et non 150 ainsi que recommandé.

Il existe deux tests pour connaître son statut en iode : l’iodurie qui mesure le taux d’iode dans l’urine et le test de charge en iode sur 24 heures, qui consiste à faire ingérer une certaine dose d’iode au patient et de regarder ce qui se passe dans les urines 24 heures après. Si le corps a un bon taux d’iode, la plus grosse partie sera rejetée dans l’urine. Si le corps est carencé, une partie importante de la dose d’iode sera retenue, et la quantité rejetée faible.

Les produits de supplémentation alimentaires disponibles sont le Lugol, qui est un mélange de diiode (I2) et d’iodure de potassium (KI) ou encore l’Iodoral.

L’iode liquide s’avère également efficace en cas de candidose intestinale selon l’expérience du Dr Résimont, parce que l’iode a un effet anti-levure.

Le lugol 5% est préconisé en cas de grosse carence à raison de 2-3 gouttes par jour pendant un mois, puis une goutte par jour.

Le problème du Lugol, c’est qu’il peut brûler l’œsophage ou encore provoquer des gastralgies. De plus, l’iode sublime dans la bouteille, ce qui fait que le Lugol à 5% devient du 1%, ou bien il faut le boire vite.

Il existe des formes en comprimés pour éviter les désagréments gastriques et l’effet sublimation. J'aime bien ceux de chez Parinat. Le fucus ne s’avère pas un bon complément dans la mesure où il n’y a pas de titrage en iode.

L’eau de Quinton, qui recouvre bien sûr de nombreux bienfaits en soi, présente le même problème : on ne peut garantir le taux d’iode dans la mesure où dans l’eau de mer, il y a des endroits où il y en a et d’autres où il n’y en a pas.


Marion Kaplan et Myriam Marino

Iode de chez Parinat 


Notes :

1 – Association internationale pour une médecine scientifique indépendante et bienveillante, AIMSIB : aimsib.org

2- Soldats porteurs de fioles d’iode (Guerre de Sécession, WWI)

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