21 / 06 / 2023

Douleurs et problèmes de santé : nos dents en cause ?

C'est en 2011, en rencontrant le Docteur Nawrocki, que j'ai pris conscience de l'importance des dents et d'une bonne occlusion. Ce grand médecin m’a mise sur la voie, ou plutôt sur le long chemin de la guérison, en m'envoyant dans un premier temps chez le Docteur Planas à Barcelone, spécialiste des problèmes de l'occlusion dentaire depuis trois générations. Ayant toute ma vie serré les dents, et bruxé, vous savez ce grincement inconscient que l'on fait la nuit et qui use prématurément les dents, j'avais usé mes dents et me retrouvais donc avec de gros problèmes à résoudre, qui se manifestaient par de vrais troubles du sommeil, une inflammation constante, des problèmes intestinaux et j'en passe. Il m'aura fallu trois ans pour régler la bonne fonction de ma bouche. Je n'ai pas dit que c'était chose facile, et en plus c'est coûteux, mais cela en vaut la peine. Si on a la chance de s'attaquer aux problèmes dès le plus jeune âge c'est encore mieux!

Cela faisait longtemps que j'attendais un livre comme celui-ci. Tout y est!

Je vais tenter de vous en faire un résumé, mais je vous conseille vivement de le lire avec attention.


Douleurs cervicales et lombaires, migraines, acouphènes, fibromyalgie, endométriose, maladie d’Alzheimer… Il est bien connu aujourd’hui que de très nombreuses maladies peuvent avoir une origine dentaire. Le Dr André Mergui a listé plus de 100 symptômes dans son livre « L’immense pouvoir de santé caché derrière nos dents », que je vous invite expressément à lire. Il permet en effet de comprendre l’importance de maintenir une bonne occlusion dentaire pour une bonne santé globale, et les mécanismes par lesquels une seule dent mal adaptée peut engendrer une kyrielle de symptômes affectant l’ensemble du corps - des pieds à la tête en passant par tous les organes - jusqu’à l’épuiser, le bloquer. Heureusement, nos dents nous parlent. Nous pouvons entendre leur message d’alerte, si nous y sommes attentifs. C’est ce que je vous propose de voir ensemble aujourd’hui.


Nos dents, en rapport direct avec notre santé


Les publications sont nombreuses démontrant à quel point nos dents sont en rapport direct avec notre santé.

J’ai, de mon côté, écrit plusieurs articles sur cet univers complexe, porte d’entrée de notre monde intérieur, que constitue notre bouche et d’où partent de très nombreuses maladies («Prendre soin de sa bouche, le miroir de notre santé», « Le microbiote buccal : si toute maladie commençait dans votre bouche ? », « La bouche : miroir de l’homme »), et du maintien ou du retour de la bonne santé globale.

Hippocrate n’écrivait-il pas en son temps qu’ « un rhumatisme sans espoir de guérison peut être guéri par une extraction dentaire » ?

Comme dit si bien le proverbe arabe également, comme l'a confié le Docteur Nawrocki, « si tu ne sais pas d’où vient la maladie, ouvre la bouche de ton patient et tu sauras ». Ce n’est pourtant toujours pas rentré dans les mœurs de la très grande majorité des médecins, généralistes ou spécialistes, y compris - c’est un comble ! – des professionnels des dents, dentistes et orthodontistes, dont la très grande majorité ne s’interrogent nullement sur l’impact de leurs soins sur la santé des patients que nous sommes amenés à être un jour ou l’autre. J’y reviendrai.


Une kyrielle de symptômes

Troubles musculo-squelettiques, diabète, retard de croissance, plaques d’athérome, abcès cérébraux, infections pulmonaires, migraines, scoliose, douleurs cervicales et lombaires, acouphènes, algies vasculaires de la face… La liste est si longue qu’il est impossible de tout mettre ici, vous seriez noyé très vite !

Pour une simple dent mal adaptée, le corps est capable à long terme de tout entraver et de s’exprimer par 116 symptômes jusqu’à ce qu’il soit entendu, selon le Dr André Mergui, chirurgien maxillo-facial, stomatologue, aujourd’hui à la retraite mais toujours très actif, proposant notamment des formations. Chacun de ces symptômes peut tout bonnement disparaître, être levé par un simple réglage dentaire une fois la dent responsable du problème identifiée, expérience à l’appui : 20 ans de pratique d’une technique qu’il a mise au point et 25 000 patients soulagés après, dont beaucoup de personnes fibromyalgiques.

Le Dr Mergui a d’ailleurs écrit un livre sur le sujet (« La fatigue chronique ou fibromyalgie ») où il dénonce l’origine dentaire à 98% de cette terrible maladie. L’endométriose également, survenant à force de douleurs pendant les règles et les rapports sexuels, ou encore la maladie d’Alzheimer apparaissant après que notre cerveau ait perdu petit à petit de ses performances, peuvent avoir une origine dentaire, comme il explique très bien les différents processus, tels les rouages successifs d’un engrenage qui finissent partout bloquer.

C’est la dysharmonie générale à partir d’une simple dent mal adaptée qu’il s’agit de repérer et de corriger pour retrouver l’harmonie générale, la bonne santé globale. La technique mise au point et déposée en 2000 par le Dr Mergui : l’ostéopathie dentaire, permet cela. Il la définit comme une médecine qui consiste à réparer les maux du corps en libérant les micromouvements dentaires afin de faire taire les capteurs d’alarme dentaires qui entravaient le fonctionnement du corps par le jeu des neuromédiateurs, dont la substance P. J’y reviendrai en détail ensuite, mais il est important de poser le décor avant cela.

Les publications montrant un lien direct entre nos dents et notre santé font donc légion, mais elles n’ont pas franchi la porte des bibliothèques et revues scientifiques, et n’ont donc pas été intégrées dans la pratique et les formations professionnelles des spécialistes des dents. C’est ainsi que la dentisterie reste encore aujourd’hui la seule spécialité médicale à ne reconnaître pratiquement aucun effet secondaire sur la santé et le reste du corps de leurs patients, et peuvent ainsi, même avec les soins les plus anodins, les faire basculer vers d’importantes souffrances sans même en avoir conscience.


Un univers organisé au millimètre près

Ces professionnels des dents interviennent pourtant dans un univers censé être organisé au millimètre près, c’est-à-dire où les dents s’articulent bien entre elles, se marient correctement, s’engrènent bien.

La fonction occlusale est considérée comme normale dès lors que l’ouverture/fermeture des arcades mandibulaire et maxillaire, ainsi que les mouvements latéraux lors de la mastication, se font avec des contacts harmonieux entre les dents, et une position correcte des condyles dans les deux articulations temporo-mandibulaires (ATM). L’occlusion dentaire, c’est le premier mouvement, la première impulsion, la première note d’accord qui donnera l’harmonie, l’équilibre de notre organisme entier. Que ce premier mouvement soit biaisé ou bloqué, et c’est tout le reste du corps qui va se mettre à dysfonctionner, qui va bloquer et « débloquer ».

Par exemple, la moindre gêne à la fermeture des dents va faire dysfonctionner les ATM (craquement ou blocage), ce qui va entraîner des difficultés masticatoires qui devraient fort inquiéter. Car, outre être le moment le plus important de notre digestion, une bonne mastication stimule le cerveau, le cortex cérébral. Différentes publications, essentiellement japonaises – ce pays connaissant une augmentation inquiétante des cas de démence - suggèrent que la fonction masticatoire influence l’état cognitif, un dysfonctionnement masticatoire étant associé au déclin cognitif. La mastication permet une bonne oxygénation, une bonne vascularisation du cerveau. Plus la puissance des muscles masticateurs (leur force d’écrasement) est forte, et plus ils exercent un effet de pompe qui aspire le sang vers le cerveau.

Il s’agit là d’un exemple parmi tant d’autres. Il existe en effet moult motifs de dysfonction pouvant rompre à tout moment cette harmonie très fragile entre nos dents et notre corps, dont deux particulièrement, qui devraient nous alerter… enfin, en tout premier lieu, ceux qui interviennent sur nos dents.


Deux facteurs majeurs qui déclenchent l’alarme

D’une part, nous connaissons depuis une cinquantaine d’années des transformations physiques importantes : nous sommes plus grands, nos pieds sont plus grands, et surtout la taille de nos mâchoires s’est considérablement réduite, avec le même nombre de dents. Il semblerait, souligne le Dr Mergui, que les dents soient devenues trop grosses par rapport à des mâchoires qui auraient rétréci. On parle de dysharmonie dento-maxillaire (ddm).

Les mâchoires sont plus courtes et plus étroites et ne permettent plus aux 32 dents de se positionner sur les arcades, ce qui fait qu’elles vont soit se chevaucher, soit simplement ne pas sortir. Les dents incluses, ce n’est pas bon du tout non plus. Ce rétrécissement des mâchoires affecterait essentiellement les Européens.

En conséquence, les dents ont du mal à tomber en face quand on les serre, comprimée elle aussi, la langue manque de place, ce qui a pour autre grave conséquence, qu’elle obstrue le pharynx en position allongée, pouvant être responsable d’apnées du sommeil. Enfin, l’articulation temporo-mandibulaire n’est pas épargnée, n’en finissant pas, lors de la mastication, de jongler afin de tenter de marier deux mâchoires qui ne correspondent plus.

Tout est parti pour aller de travers !!

Vous ajoutez à cela, la possibilité pour le professionnel des dents de tout changer (taille des dents, alignement, inclinaison, volume et dureté des prothèses), de modifier toute votre structure dentaire (évidemment sans s’interroger de l’impact sur la santé), grâce aux importants progrès techniques que connaît la dentisterie, et vous obtenez le cocktail détonnant qui fait tout péricliter. Rien ne va plus, tout va mal : le divorce entre les dents et le corps est consommé, l’harmonie est bien rompue, et nos dents nous le font savoir. Ça, c’est la bonne nouvelle.


Des capteurs intelligents

Notre corps est si bien fait que chaque partie qui le compose est pourvue de multiples capteurs intelligents chargés de veiller à ce que tout fonctionne bien. Au moindre dérèglement détecté, leur but est de ralentir, de freiner ou de stopper le fonctionnement du corps.

Ces capteurs de dysfonctionnement font partie d’un troisième système nerveux doté de neurotransmetteurs non adrénergiques non cholinergiques (NANC), parfaitement connecté aux deux autres, mais avec des fonctions plus spécifiques. Ils ont la faculté d’envoyer un signal d’alarme chimique au cerveau dès le moindre dysfonctionnement d’une partie du corps.

Ces capteurs sont disséminés partout dans notre corps, et nos dents ne dérogent pas à la règle. Chacune d’entre elles en possède en effet, dont le but est de s’assurer de leur bon engrènement. S’il s’avère qu’il n’est pas conforme à la physiologie de notre corps, des signaux d’alerte sont émis, tels les voyants du tableau de bord d’une voiture indiquant un niveau d’huile trop bas ou un manque de pression des pneus.

Alors bien sûr, nous ne sommes pas des voitures, et nous sommes encore moins équipés d’un tableau de bord avec voyant visuel ou sonore se déclenchant en cas de problème, mais nos dents nous parlent et il va juste falloir être attentif, à l’écoute de nos ressentis auxquels il va falloir faire pleine confiance, bien plus qu’à votre dentiste ou orthodondiste !

Si vous ressentez à la fin d’un soin dentaire, qu’il s’agisse d’une obturation, une pose de couronne, de composite et autre dent sur implant, une douleur ou une sorte de gêne et que vos mâchoires ont moins de facilité pour s’emboîter sans effort, c’est que l’harmonie entre vos dents et votre corps est rompue : la douleur ou la gêne sont le message émis par vos capteurs d’alerte. Ils ont bien fait leur travail. Il vous faut alors prévenir votre dentiste avant de quitter le fauteuil afin qu’il rectifie le « tir » jusqu’à ce que votre couronne, par exemple, soit parfaitement ajustée à votre physionomie. Vous le saurez quand vous ne ressentirez plus aucune gêne.

Si votre dentiste agit en bon professionnel et vous écoute bien, la dysfonction n’aura été que temporaire et elle aura permis de veiller à ce que l’intégrité du corps n’ait pas été modifiée. Donc tout va bien. Les capteurs d’alerte s’éteignent. Tout ronronne.


Le corps part en vrille

Si au contraire vous ne dites rien ou que votre dentiste ne vous écoute pas, affirmant que votre corps s’y fera, c’est le début de la fin. Il ne s’y fera jamais et c’est là que les problèmes commencent, avec la phase chronique qui s’amorce.

Comme l’explique très bien le Dr Mergui, rapidement, en effet, si l’harmonie n’est pas rétablie, la gêne douloureuse disparaît et le cerveau cherchera, avec ses moyens, à rétablir une certaine concordance, quelles qu’en soient les conséquences, quel qu’en soit le coût, et ce jusqu’à ce que la cohérence soit restituée. Pour cela, il fait appel à l’ensemble du corps jusqu’à l’épuiser tant que la dysfonction n’aura pas été rectifiée. La correction apportée par notre cerveau consiste à mobiliser tous les muscles de notre corps pour permettre à la mâchoire de fonctionner de travers afin de réduire l’appui sur la dent trop grosse à droite. Un appui exagéré, sans qu’on en ait conscience, se fait lors à gauche pour soulager le côté droit.

Tout part en vrille, tout penche exagérément de l’autre côté, du visage (qui devient asymétrique, d’où les algies de la face aussi) aux pieds (douleur au calcanéum) en passant par les jambes (avec impression d’avoir une jambe trop courte) et toutes les parties du corps, la colonne vertébrale, le bassin, etc.


La substance P

Ce qui se passe, c’est que quand les capteurs détectent une dysfonction, ils sécrètent une substance chimique : la substance P. Premier neuromédiateur en action dès les quinze premiers jours de la vie embryonnaire, elle est aussi sécrétée en réaction à tout type de douleur.

La substance P, c’est le chef de file du système d’alarme, qui transmet l’information aux centres nerveux supérieurs, ce de façon chimique et électrique. Il s’agit d’une neurohormone polypeptidique, comprenant 11 acides aminés et appartenant à la famille des tachykinines caractérisées par leur rapidité de transmission.

Elle se fait relayer ensuite par d’autres neuromédiateurs, déclenchant ainsi une sorte de réaction en chaîne mettant en jeu successivement différents neuromédiateurs tellement nombreux que l’on parle d’une « soupe de neuromédiateurs » qui envahit le corps, comme une alarme qui retentirait dans toute la maison. Et tout ceci se passe la vitesse de l’éclair !

Si vous n’avez pas informé votre dentiste de la gêne que vous ressentiez ou qu’il ne vous a pas écouté, la perception de gêne qui disparaît est due à un autre neuromédiateur qui prend le relais : la met enképhaline. Son rôle est d’éteindre le message d’alerte grâce à une action semblable à la morphine annulant l’action de sensation de douleur de la substance P.

Pour reprendre l’image de l’alarme de la maison, elle va cesser de sonner au bout de x temps parce qu’elle est programmée comme ça, dans notre corps, il se passe la même chose, l’alarme gêne ou douleur s’éteint, mais l’intrus est toujours à l’intérieur. Ainsi, si la met enképhaline endort en quelque sorte la dent (et finit par littéralement shooter le cerveau à la longue en raison de ses effets morphiniques, donnant l’impression d’être « dans le gaz » constamment), les effets inflammatoires locaux de la substance P continuent d’œuvrer.

En plus de supprimer l’information douloureuse initiale sur la dent en cause, ce qui rend plus difficile la localisation de la dent responsable, la met enképhaline va qui plus est, vriller la mâchoire pour soulager l’appui à droite, donc l’appui va augmenter à gauche. C’est elle qui est responsable de la vrille squelettique que je vous décrivais précédemment, puis la soupe de neuromédiateurs s’y met pour tenter de corriger le problème (l’excès de volume de la prothèse posée).

La phase chronique est donc absolument à éviter et nous en avons le pouvoir comme nous l’avons vu. Il nous faut toujours être attentif lors de l’allumage de nos voyants. Le voyant, c’est la gêne que nous ressentons. En aucun cas, notre cerveau ne doit prendre le relais pour régler ce petit problème dentaire qu’on aura laissé passer, parce que le seul moyen dont il dispose, vous l’avez vu, est de nous empêcher de bouger, quitte à dérégler et même à détruire l’ensemble du corps pour tenter désespérément de résoudre une minime dysfonction dentaire.

Alors, bien sûr, il va peut-être falloir batailler avec votre dentiste. S’il ne vous écoute pas, changez de crèmerie. Le jeu en vaut la peine si vous voulez continuer de mordre la vie à pleines dents, comme dit si bien l’expression.


 Marion Kaplan et Myriam Marino


Partager