10 / 01 / 2018

L'errance médicale : la difficulté du diagnotic

Nous préparons pour le printemps, une série de « Master class » qui devrait vous rendre autonome par rapport à votre santé. C'est après un long cheminement et la rencontre de nombreux experts que j'en ai sélectionné certains en qui j'ai confiance, et qui je l'espère, sauront vous donner les clés pour gérer au mieux votre alimentation et surtout, vous permettront de comprendre ce qui ne va pas. En médecine, le plus compliqué c'est le diagnostic. Je connais de nombreuses personnes qui sont dans une errance médicale depuis des années et qui n'arrivent pas à gérer leurs problèmes de santé sur le long terme. Parfois elles vont mieux, perdent du poids, puis le reprennent et recommencent dans ce tourbillon de mal-être où la fatigue côtoie des douleurs diffuses, des troubles de la digestion, quand ce ne sont pas des migraines, des problèmes hormonaux, des sautes d'humeur et j'en passe… Parmi ces experts, pour vous donner un avant-goût, j'ai rencontré Denis Riché, professeur de nutrition et micro nutrition, spécialiste des grands sportifs, auteur de nombreux ouvrages spécialisés sur l’épinutrition et la fibromyalgie. Nous avons fait une mise au point sur le gluten qui me tient tant à cœur et le candida albicans. J'ai volontairement gardé l'aspect interview. Ne m'en veuillez pas si le français n'est pas toujours parfait…   

Gluten et candida : deux sosies

Marion Kaplan : vous nous dites que le Gluten et le candida seraient deux sosies ?

Denis Riché : Oui. En fait, il y a des recherches qui ont été menées de manière assez poussée depuis une vingtaine d’années, pour essayer de comprendre les liens qui pouvaient exister entre les symptômes liés au candida et ceux liés aux formes d’intolérance au gluten, qu’on appelle aujourd’hui intolérance au gluten non cœliaque (IGNC). Il y a beaucoup de symptômes communs. Cela a interpellé certains chercheurs.

Marion : Quels sont les symptômes ?

Denis Riché : Des maux de ventre liés à la consommation de certains aliments, des problèmes de fatigue. Ça peut être des sensations de malaise qui apparaissent, des troubles du sommeil, des problèmes de thyroïde. En cas de candidose, les symptômes sont chroniques car la candidose est chronique. En fonction de la consommation de gluten, il peut y avoir des exacerbations de certains signes. Des auteurs ont identifié des anticorps anti-candida chez des enfants qui avaient développé des formes de réactions au gluten. Il y a eu cette volonté de croiser les dossiers. C'est en 1999 qu'il y eut les premières publications dans The Lancet, par des Néerlandais : Van Huy Houven et Collig ont étudié le séquençage des acides aminés de la gliadine (une des protéine du gluten) et le séquençage des acides aminés d’une protéine constitutive du mycélium du candida. Il y avait 50% d’homologie entre les deux. En fonction, de la forme spatiale du candida et de la gliadine, ils observaient que finalement le système immunitaire allait réagir de manière similaire aux deux.

Marion : Tous les deux entraînent une perméabilité intestinale ?

Denis Riché : Non, la perméabilité intestinale est liée au candida. Le gluten, en tant que tel ne favorise pas la perméabilité intestinale.

Marion : C’est le candida qui génère la perméabilité intestinale ?

Denis Riché : Oui. Il sécrète des enzymes et il peut générer une réponse immunitaire qui favorise l’hyperperméabilité. Mais la gliadine ne créée pas la perméabilité intestinale.

Marion : Pourtant c’est ce qu’on dit !

Denis Riché : C'est faux, il n’y a aucune étude qui le démontre.

Marion : Que fait la gliadine ?

Denis Riché : Elle passe dans le flux sanguin et elle va amplifier la réponse du candida.

Marion : Le candida entraine une réponse qui va favoriser une perméabilité et à ce moment-là, le gluten passe dans le flux sanguin parce que les portes se sont ouvertes. Denis Riché : Absolument.   Marion : La zonuline qui est une protéine qui sert à ouvrir momentanément la barrière intestinale afin que les nutriments puissent entrer, est exacerbée, et à ce moment là, la porte ne se ferme plus et tous les toxiques et les parasites peuvent entrer ! Denis Riché : C’est ça. Et également elle laisse entrer certains dérivés du gluten, des molécules plus petites que l’on appelle les peptides, qui n’ont pas d’action proprement immunitaire mais qui sont des perturbateurs au niveau des récepteurs sensoriels. Il y a ce que l’on appelle la glutenmorphine et la caséimorphine (ce sont des molécules qui contiennent six à huit acides aminés), et qui sont susceptibles d’occasionner l’essentiel des symptômes sensoriels, cognitifs, émotionnels qui ne sont pas lésionnels.   Marion : C'est parce qu’ils sont passés dans le flux sanguin qu’ils vont interférer, passer la barrière hématoméningée et  aller sur des récepteurs au niveau du cerveau et entraîner une sensation d'être dans le yaourt !   

Denis Riché : oui. Il y a un chercheur norvégien, Reichelt , qui travaille depuis une quarantaine d’années sur les liens entre alimentation et autisme. C’est lui le premier qui a montré qu'il y avait une augmentation des peptides urinaires, de caséine et de gluten dans les urines de ces enfants.

Marion : En général, la première stratégie c’est de retirer le gluten pour éviter qu'il ne passe dans le flux sanguin. On est d’accord ?

Denis Riché : Oui.

Marion : Même si ça n’est pas lui le promoteur, au moins il ne fera pas de dégât.

Denis Riché : disons plutôt qu'il n’accentuera pas les symptômes. En revanche, il y a aussi d’autres éléments, souvent sous-estimés, qui passent et qu’on appelle les endotoxines, les fameuses LPS, lipopolysaccharides. Terme anglo-saxon décrivant les molécules qui constituent la surface de ces éléments toxiques bactériens. Ce n'est pas le gluten qui est responsable de l’hyperperméabilité, mais à partir du moment où celle-ci s’est installée, le gluten va libérer des protéines qui sont potentiellement antigéniques (la gliadine en tant que telle). Aujourd’hui, c’est bien admis. Par exemple, il va se lier à des récepteurs cérébraux chez certaines personnes qui vont développer l’ataxie cérébelleuse ou la Chorée de Huntington, ou certaines formes d’Alzheimer parce que ces personnes expriment la transglutaminase au niveau de leur cerveau. Il y a la même réaction que la maladie cœliaque mais au niveau cérébral. Marios Hadjivassiliou neurologue grec,  est le premier chercheur à parler de maladie cœliaque cérébrale. Il a publié dans The Lancet Neurology, en 2011, après 20 ans de recherches sur ce sujet. En fait, ayant des patients en commun avec un de ses collègues gastroentérologue, ils avaient constaté une similitude de symptômes. Cela les a interpellés et ils ont commencé à croiser leurs données. L’autre type d’anomalie c’est le passage de ces peptides. Ce qui est étonnant, c’est que quand on connait  la multitude de protéines alimentaires et la multitude de peptides que l’on peut faire avec une protéine, constater que 80% des peptides urinaires  sont dérivés de la caséine et de la gliadine, ça veut dire qu’il y a deux choses. Le première, c’est que comme le gluten et la caséine précipitent en milieu acide, quand elles arrivent dans l’intestin les enzymes ont beaucoup plus de mal à scinder les peptides et donc il y a une plus grande proportion de peptides dans l’intestin. Statistiquement, il faut plus de temps pour les détruire et donc la quantité de peptides issue de ces deux protéines est beaucoup plus importante que de peptides alpha et lactalbumine.

Marion : C’est pour ça qu’on ne les retrouve dans les urines ?

Denis Riché : oui, on les retrouve beaucoup plus. La deuxième chose, c’est que le gluten et la caséine ont une structure qui leur permet  d’aller interférer avec des récepteurs opiacés au niveau du cerveau. C’est la raison pour laquelle on parle d’exorphine et qu'elles sont impliquées dans les problèmes de sommeil, les problèmes de  douleurs, et l’anxiété.

Il y a une superposition partielle des symptômes dus au gluten et des symptômes dus à la candidose. Les symptômes les plus importants dus au gluten sont d’expression immunitaire, ce sont des « interférences ».

Des travaux plus récents menés par une équipe française (Marion Corouge et le professeur Poulain), en collaboration avec l'institut Pasteur de Lille, ont confirmé une homologie antigénique entre le gluten et le candida. Ils pensent que la candidose peut être un des facteurs de déclenchement de la maladie cœliaque.

Marion : Ce serait le candida qui déclencherait la cœliaque ?

Denis Riché : Oui. Puisqu’on a 22% de la population  qui est prédisposée génétiquement à faire la maladie cœliaque (H LA DQ 2 et H LA DQ8)  mais qui ne va pas forcément la déclencher, et 2% des gens qui font la maladie cœliaque. Le candida serait une des deux causes de déclenchement. La deuxième cause serait le déficit en fer. Parce que le déficit en fer conduit à une surexpression de la transferrine au niveau de l’intestin. Au niveau de récepteur de la transferrine, il y a une captation plus importante de la gliadine.

Marion : Alors pourquoi est-ce qu’on en parle plus aujourd’hui qu’avant ?

Denis Riché : Parce Il y a beaucoup plus de candidoses abondantes au niveau de l’intestin.

Marion : Pourquoi ?

Denis Riché : À cause de la dysbiose (déséquilibre du microbiote intestinal).

Marion : Oui, mais pourquoi plus aujourd’hui ?

Denis Riché : cela fait plusieurs générations qu'on a prescrit trop d'antibiotiques dès le plus jeune âge. Cela a entraîné un appauvrissement  de la diversité du microbiote ce qui laisse au candida la possibilité de prendre une place de plus en plus importante. D'autre part, pendant la grossesse, en raison de la diminution de l’immunité de la maman, le candida va pouvoir se développer au niveau de la muqueuse génitale. Au cours de l’accouchement, l’enfant va commencer à ensemencer son intestin avec les premiers éléments qu’il va rencontrer. Le candida va occuper une place prépondérante à partir de ce moment-là, il va initier tout un tas de phénomènes : de répression immunitaire, de croissance de bactéries alliées comme les Escherichia Coli qui vont créer un environnement propice à son développement. Ensuite, comme il réprime l’immunité et qu’il va modifier la chimie cérébrale, il va rendre la personne plus vulnérable au stress. Le stress réprimant l’immunité, le système va se boucler autour du candida. On rentre dans un cercle vicieux.

Marion : Donc la flore des mères s’est dégradée ?

Denis Riché : Oui depuis plus de trois générations.

Marion : Il y a donc de plus en plus d’enfants qui naissent avec une flore à candidas dès le départ.

Denis Riché : oui

Marion : Et s’ils naissent par césarienne ?

Denis Riché : S’ils naissent par césarienne, ça va être très dépendant des premiers éléments avec lesquels ils vont être mis en contact dès le départ. C’est pour ça qu’aujourd’hui, certains gastroentérologues recommandent que l’enfant soit mis au contact du liquide amniotique de la maman pour intégrer au niveau de son intestin,  les bactéries maternelles.   

Marion : mais si cet intestin est déjà perturbé !

Denis Riché : Cela va être un souci. Mais il y a un autre problème. On sait que la naissance par césarienne augmente la dysbiose, ce qui entraîne un risque d’infection et donc le risque d'une prise d'antibiotiques. Le candida qui avait une place mineure dans l’environnement, va trouver des conditions favorables pour pouvoir proliférer du fait de l'accouchement par césarienne. Et de génération en génération, le problème s’amplifie. Ce qui veut dire qu’en l’espace de 40 ans, il y a eu trois générations qui ont été baignées dans l’asepsie et toute la dégradation due à la malbouffe industrielle. On sait que l’excès d’hygiène augmente le risque d’allergies et d’asthme. Ça a été décrit par des études autrichiennes et allemandes. Mais on sait surtout qu’en l’espace de 40 ans, à partir du moment où l’on a cette prépondérance de la candidose, il y aura une augmentation exponentielle de toutes les pathologies qui peuvent être liées directement ou indirectement. Dans le diabète et le surpoids, on parle de dysbiose. La dyslexie, la dyscalculie et l’autisme, on parle de dysbiose. Dans les cas de cancer, on parle de dysbiose. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, on parle de dysbiose.

Marion : La Thyroïdite d’Hashimoto, tu faisais le lien entre le candida et  les maladies liées à la thyroïde…

Denis Riché : Il y a des travaux italiens qui montrent qu’il y a des réactions croisées entre gluten, thyroïde et candida.  

Marion : C'est-à-dire ?

Denis Riché : C’est la même séquence antigénique. C'est-à-dire qu’elle est présente sur le candida, le gluten et sur des thyrocytes (hormones thyroïdiennes).

Marion : C'est-à-dire qu’au niveau de la thyroïdite, il y a des récepteurs qui ressemblent au gluten ? C’est ça ?

Denis Riché : Il y a des structures cellulaires qui ressemblent au gluten et au candida. Tant qu’il n’y a pas de passage de gluten, tant qu’il n’y a pas d’activation de la candidose, les clones du système immunitaire ne sont pas activés  donc ils ne vont pas aller à la rencontre de la thyroïde. Mais à partir du moment où il y a une aggravation de la candidose et surtout de l’hyperperméabilité avec passage de gluten au niveau de la circulation sanguine, il va y avoir une levée de l’inhibition de ces clones auto réactifs, qui vont aller réagir sur la thyroïde.

Marion : Quels sont les outils thérapeutiques que l’on pourrait donner ?

Denis Riché : l'éviction du gluten et de la caséine de lait de vache Holstein.

 Marion : Et celle de brebis.

Denis Riché : Brebis non ça va, ça n’est pas la même caséine. C’est la vache Holstein le problème qui est une caséine mutée.

Marion : La vache Holstein, on la trouve partout.

Denis Riché : 80 % des produits laitiers proviennent des vaches Holstein. Elles produisent 100 litres de lait par jour ! Ce sont des vaches qui ont été modifiées génétiquement et qui fournissent une caséine mutée. Si vous consommez des produits laitiers issue de vaches jersiaises vous n’avez pas de problème.

Marion : Je conseille le beurre Bernard Gaborit et la crème, on peut la conseiller ?

Denis Riché : Oui. Bien sûr. Les études ont été validées par des  polonais, Kaminksy et Kolech.

Denis Riché : La caséine A1 (issue du lait des vaches Holstein) qui est mutée sur deux acides aminés n’a plus la même forme dans l’espace. L’action des enzymes est perturbée et précipite davantage en milieu acide et donc on va la retrouver non phagocytée dans le flux sanguin. Donc en même temps que l'éviction du gluten, il faut une prise en charge de la candidose avec des probiotiques ciblés anti candida.

Marion : Quels probiotiques ?

Denis Riché : La souche en question s’appelle lactobacillus helveticus LA401 de chez Pilège. C’est la seule souche qui a des effets anti candida. Ensuite on va éventuellement, travailler avec d’autres probiotiques s’il y a de l’auto-immunité ou des phénomènes infectieux associés. Il va falloir également cicatriser les intestins et refermer ses barrières.

Marion : En faisant quoi ?

Denis Riché : En utilisant des nutriments comme la glutamine, le zinc, des prébiotiques.   Marion : pour toi il faut prendre des prébiotiques malgré le fait que l’on mange des légumes ?

Denis Riché : Oui, parce que si les légumes suffisaient, il n’y aurait pas d’hyperperméabilité.

Marion : Qu’est-ce que tu donnes comme prébiotiques ? Tu donnes des amidons résistants par exemple ?

Denis Riché : Oui.  De l’inuline, des FOS*, des amidons résistants. En gros, il faut aller choisir les éléments végétaux qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’études et qui ont comme atouts majeurs : la cicatrisation, des effets anti-inflammatoires mais aussi la modulation des axes neuroendocriniens. C’est très important. On sait qu’il y a des molécules qui sont fabriquées lors de la digestion des prébiotiques et qui vont agir.

Marion : Lesquelles ?

Denis Riché : C’est par exemple le butyrate qui est un acide gras à courte chaine et qui va agir sur les voies de la douleur.

Marion : Le butyrate on le fabrique nous-mêmes dans l’intestin.

Denis Riché : A partir justement des prébiotiques fabriqués à partir d’acacia qui ont des effets spécifiques sur akkermansia muciniphila. Il va falloir aussi travailler sur l’éviction de tout ce qui est moisissures, levures et les sucres raffinés qui font monter l’insuline. Dans le cadre de la cicatrisation, il y a certains fruits et certaines épices qui renferment des ingrédients qui contrarient la cicatrisation intestinale, notamment les agrumes, les kiwis car ils contiennent certaines polyamines.

Marion : Même le citron ?

Denis Riché : Oui. C’est plus la pulpe qui pose problème. Les Agrumes, les kiwis, les prunes, les pruneaux, le poivre, le piment et le paprika. Ce sont des éléments qui contrarient fortement la cicatrisation de la muqueuse. Il faut les éviter pendant deux mois. Bien entendu, ces compléments alimentaires n'auront d'action que si vous changez radicalement d'alimentation et que vous mangez une alimentation de type paléobiotique. Dans ma prochaine newsletter nous aborderons le candida et la maladie de Lyme. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Si vous rencontrez des difficultés de compréhension, je m'efforcerai de simplifier mes propos.

Marion Kaplan


Denis Riché est titulaire d'un doctorat de nutrition humaine. Contributeur majeur à la reconnaissance de la micro nutrition Il est co-responsable du DU « nutrition, micro nutrition, exercice et santé » a la faculté de Poitiers et il intervient sur le DU « alimentation–santé et micro nutrition » à Dijon. Il fait partie du réseau chronimed animé par le professeur Luc Montagnier et le Docteur Raymond. Il exerce son expertise dans le domaine du sport de haut niveau et dans la prise en charge des pathologies en lien avec l'immunité, dont la fibromyalgie et le candida albicans   « Micro nutrition et fibromyalgie » : ne nourrissez plus votre douleur de Denis Riché aux éditions De Boeck Université  

  • prébiotiques :
  • Ultradyn de chez Bionutrics
  • Biofilm de chez Pilèje
  • Symbiointest de chez Energetica Natura
  • Lactospectrum de chez le stum

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